Le Cambodge n’attend pas vos CV, il attend vos idées
Ce que le Cambodge attend vraiment des étrangers
Chaque semaine, je tombe sur des publications d’Occidentaux annonçant leur grand projet : déménager au Cambodge pour devenir directeur d’hôtel, chef cuisinier ou gérant de restaurant.
Soyons clairs : ce n’est pas ce dont le Cambodge a besoin.
Oui, il existe quelques postes de ce type, mais la réalité est bien différente de l’image qu’on s’en fait depuis l’Occident. Le Cambodge est un pays jeune, en pleine mutation, avec une population active abondante qui cherche à travailler. Le vrai besoin du pays n’est pas d’accueillir des étrangers à la recherche d’un emploi salarié… mais des créateurs, des bâtisseurs, des entrepreneurs capables d’apporter quelque chose de nouveau.
Le piège du marché de l’emploi
Entrer sur le marché du travail cambodgien quand on est Occidental, c’est accepter de se battre à contre-courant.
Les salaires locaux sont bas. Des milliers de jeunes Cambodgiens postulent aux mêmes postes, prêts à travailler pour beaucoup moins cher.
Oui, il y a quelques emplois de 1 500 à 4 000 $ par mois, parfois davantage. Mais la plupart de ceux qui les décrochent ne les gardent que quelques mois.
Pourquoi ? Parce que les règles du jeu sont différentes : normes du travail moins strictes, management autoritaire, initiatives rarement valorisées.
Beaucoup d’expatriés que j’ai rencontrés passent d’un emploi à l’autre, accumulent les frustrations et finissent par repartir. Ceux qui restent à long terme doivent souvent se plier entièrement aux désirs de leur patron, quitte à renier leur créativité et leurs compétences.
Il faut aussi parler d’une réalité rarement évoquée : certains étrangers sont recrutés davantage pour leur image que pour leur savoir-faire. Ils servent de caution ou de façade, et se retrouvent pris dans des situations qui peuvent les mettre en danger sur le plan légal ou réputationnel.
Ma propre désillusion
Je parle en connaissance de cause.
Mon premier emploi, dans un fonds d’investissement géré par un compatriote canadien, m’a vite ouvert les yeux. Mon patron était sans conteste un visionnaire, avec de grandes ambitions. Mais la comptabilité était défaillante, l’organisation fragile, et les départs d’employés s’accumulaient. Au bout de cinq mois, j’ai préféré claquer la porte. Il n’y avait plus de sens à rester dans un environnement où mes compétences ne pouvaient pas s’exprimer pleinement.
Mon deuxième emploi, cette fois dans une entreprise dirigée par une Cambodgienne revenue des États-Unis, paraissait plus prometteur. On m’a confié la direction d’un projet immobilier, et j’y ai cru. Mais très vite, j’ai compris que mes idées n’avaient aucune valeur. On m’a même dit qu’une étude de marché était « un truc de blanc ». Pire encore, un jour, on m’a demandé de signer des contrats de plusieurs dizaines de millions de dollars, engageant ma responsabilité légale, sans que j’aie jamais rencontré le client. J’ai quitté aussitôt, conscient du risque.
Ces expériences m’ont marqué. Trop souvent, les expatriés occidentaux ne sont pas engagés pour leurs compétences, mais utilisés comme une simple vitrine.
Des histoires qui se répètent
Je ne suis pas le seul à avoir fait ce constat.
Une amie enseignante, malgré un bon salaire et des conditions matérielles correctes dans une école privée réputée, a quitté après deux ans, épuisée par un environnement de travail toxique. Une autre amie, après sept ans et plusieurs employeurs différents, a fini par abandonner. Elle avait dû affronter des clients puissants, parfois arrogants ou menaçants, qui se croyaient au-dessus des lois. Ce ne sont que deux cas parmi tant d’autres.
Ces témoignages confirment que la façade est souvent séduisante, mais que la réalité du travail au Cambodge est bien plus dure qu’on le croit de l’extérieur.
Le vrai besoin du Cambodge
Soyons honnêtes : le Cambodge n’a pas besoin d’Occidentaux qui viennent chercher un emploi salarié. Le pays a besoin de visionnaires capables de créer des entreprises, d’introduire de nouvelles pratiques, de former des équipes locales et d’investir dans des projets durables.
Les secteurs traditionnels comme l’agriculture, le tourisme, le manufacturier et la construction offrent encore du potentiel. Mais, à mon avis, parmi les meilleures opportunités actuellement se trouvent dans la transformation des produits agricoles.
Le Cambodge ne deviendra pas riche avec son pétrole : il en a trop peu. Sa vraie richesse, ce sont ses terres, ses fruits, son riz, ses épices. Aujourd’hui encore, une grande partie des familles cambodgiennes pratique une agriculture de subsistance. Transformer ces produits, développer des filières et créer de la valeur ajoutée, voilà comment améliorer des vies et bâtir une économie plus solide.
Imaginez par exemple une chaîne complète autour de la mangue : production, séchage, transformation en huile ou en poudre pour les cosmétiques. Le même modèle peut s’appliquer à la noix de coco, à la noix de cajou ou au durian. C’est là que des entrepreneurs étrangers peuvent avoir un rôle clé, en apportant du savoir-faire, des capitaux et des réseaux.
Une collaboration à construire
Mais pour que cela fonctionne, il faut aussi changer certaines mentalités, des deux côtés. Trop d’étrangers arrivent avec une attitude de supériorité, comme s’ils n’avaient rien à apprendre. Trop de Cambodgiens, de leur côté, perçoivent les propositions d’amélioration comme des critiques, et se ferment aux idées extérieures.
La réussite passe par plus d’humilité et d’ouverture. Les compétences doivent être reconnues pour ce qu’elles valent réellement, et non pour l’image qu’elles véhiculent. C’est à ce prix que des collaborations solides et respectueuses peuvent émerger, et que de véritables projets durables verront le jour.
Changer de mentalité
Venir au Cambodge, ce n’est pas chercher le confort d’un emploi déjà tracé. C’est accepter l’inconnu, prendre des risques, et surtout se demander : « Qu’est-ce que je peux apporter à ce pays ? »
Il faut être prêt à se réinventer. Dans mon cas, n’ayant jamais été un spécialiste du marketing, j’ai dû m’y mettre moi-même pour mon entreprise, après avoir été déçu par plusieurs recrues. Avec de la persévérance et les bons outils, j’ai transformé une faiblesse en compétence. C’est cela aussi, l’expatriation au Cambodge : apprendre à faire soi-même, et découvrir qu’on est capable de beaucoup plus qu’on ne le pensait
Comme le disait John F. Kennedy :
« Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays. »
Au Cambodge, cette phrase prend tout son sens. Ici, il n’y a pas d’État providence ni de structures toutes prêtes. Mais il y a un peuple jeune, travailleur, avide d’apprendre, et un pays plein de ressources inexploitées.
👉 Alors non, ne venez pas au Cambodge pour chercher un emploi. Venez pour créer. Venez pour construire. Venez pour semer et récolter. La richesse n’est pas dans les salaires, elle est dans la valeur que vous saurez apporter.



